Construit dans la seconde partie du XVe siècle, le Fort du Hâ avait la même vocation initiale que le Château Trompette, à la fois la protection et la surveillance de la population bordelaise.
Histoire
La bataille de Castillon (17 juillet 1453) marque la fin de la guerre de Cent Ans et le début d'une grande vague de fortification en Guyenne. Charles VII ordonne la construction Château Trompette et du Château du Far (Fort du Hâ). La protection "officielle" contre les anglais cache surtout l'objectif de mieux surveiller la population locale.
Dans un document de délibération de l'Abbaye Sainte-Croix du 12 novembre 1455, il est fait mention pour la première fois de ces constructions et de leur concepteur Jean des Vignes. Pour autant sur ce point il n'y a pas de certitudes puisque selon certains écrits il n'en serait que le maître d'œuvre.
Le futur Fort sera comme pour le Château Trompette intégralement financée par la ville, en raison de sa trahison (ralliement aux anglais). La construction débute le 24 janvier 1456.
Dès sa mise en service, le Fort du Hâ abrite une partie des troupes royales de la garnison de Bordeaux. Mais outre l'aspect stratégique de la place forte, il devient en 1470 la résidence du duc de Guyenne, Charles de Valois, frère de Louis XI. On y trouve alors une cour renommée où on y donne des fêtes prestigieuses. Ceci sera de courte durée puisque le duc y meurt le 24 mai 1472.
Le 19 août 1548, des heurts surviennent contre les percepteurs de la gabelle. Ces derniers réfugies dans le Château du Hâ sont assiégés. Le château est pris et le lieutenant général de Guyenne, Tristan de Monenh, est massacré lors de l'assaut de la garnison du Hâ. Laissé libre, le logis est occupé par Antoine de Noailles, le maire de Bordeaux, faisant office de capitaine de la forteresse. Toutefois en qualité de lieutenant général de Guyenne, Charles de Coucy tente le 15 décembre 1562 de récupérer son "bien", chose possible finalement après le décès de l'indélicat locataire.
En octobre 1572, pendant les guerres de religion, le château abritera plusieurs protestants notoires, dont Benoist de Lagebaston, premier président du parlement de Bordeaux et Guillaume Leblanc, un avocat bordelais renommé.
XVI et XVIIe siècle
Le 23 mars 1593, Henri IV conscient de l'importance de Bordeaux et du danger qui guette, ordonne que des mesures soient prises pour s'assurer que Bordeaux soit maintenu dans son royaume. Toujours sous influence espagnole, la ville de Bordeaux peut à tout moment pencher en faveur de la couronne espagnole. Le 1er décembre 1593, le maréchal de Matignon, lieutenant général de Guyenne, s'empare du château. Il évite ainsi que la Ligue ne livre Bordeaux aux Espagnols. Le 8 août 1604, Henri IV ordonne la destruction de la forteresse mais la stoppera quelques semaines plus tard, le 31 octobre 1604.
Les troupes royales assiègent Bordeaux sous la Fronde en septembre 1650. Le château du Hâ contribue largement à la défense de Bordeaux. Partiellement détruit au début du XVIIe siècle, Louis XIV le fait réparer en 1654 et le dote de nouveaux éléments de défense. Vingt-cinq ans plus tard, Vauban se penchera sur les améliorations à y apporter mais rien de véritablement significatif ne sera entrepris. Résidence des gouverneurs de Guyenne durant ce siècle, il devient prison pendant la Révolution Française.
A partir de la Révolution Française
En septembre 1790, la Tour des Anglais devient une prison municipale, afin de palier à la saturations des prisons existantes. Le Fort du Hâ échappe une seconde fois à la destruction le 10 juillet 1791, alors qu'un décret prévoit purement et simplement sa suppression. Finalement le directoire départemental en obtient la gestion et y établit ses prisons. Quelques années plus tard, vers 1792 (pendant la Terreur), le Fort est saisi et devient bien national. On y établit une prison d'État qui verra passer de nombreuses célébrités locales.
Pour la troisième fois de son histoire en 1835, le Fort du Hâ voit sa démolition entreprise. Mais cette fois-ci, l'implantation d'un nouveau palais de Justice, construits par l'architecte Joseph Thiac, et de la prise ont raison de la grande partie de sa construction. Il ne subsistera que deux tours encore visibles aujourd'hui : la Tour dite des Anglais et la Tour des Minimes. Elles sont classées monuments historiques le 14 août 1845 (inscrites à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques en 1965). Le palais de justice sera inauguré le 19 novembre 1846.
La prison du Hâ est utilisée par les nazis pour enfermer les opposants et les résistants., Édouard Daladier, Georges Mandel et le prince Louis Napoléon Bonaparte y seront enfermés un temps. La prison est désaffectée le 12 juin 1967 et les détenus sont transférés à la nouvelle maison d'arrêt à Gradignan. La démolition de la prison débute à la fin de 1969.
Le palais de justice est transformé en école de la magistrature en mars 1971. Elle sera inaugurée le 12 décembre 1972.
Architecture
Dessinant un trapèze de 120 mètres sur 68 , le fort du Hâ était entouré par des fossés alimentés par la Peugue, un cours d'eau désormais disparu (canalisés dans les années 80/90).
Le fort aujourd'hui
Comme bien des monuments datant d'avant du XVIIIe siècle, il ne reste que peu de vestiges du Fort du Hâ. Aujourd'hui, seules deux tours, la tour des Anglais et la tour du Diable ont traversé les siècle. Les deux tours se situent désormais dans l'enceinte de l'Ecole de la Magistrature de Bordeaux. On peut parfois les visiter à l'occasion des journées du patrimoine.
... Entre 1940 et 1945, la prison du Hâ est toujours utilisée pour les prisonniers de droit commun mais elle sert désormais pour les Allemands, de centre de détention où vont se succéder de nombreux résistants et toutes les personnes arrêtées pour délits politiques. Elle est rebaptisée pour la circonstance « quartier allemand ».
Edouard DALADIER et Georges MANDEL comptent parmi les premiers détenus politiques gardés un temps au fort du Hâ. Après eux une longue liste d'hommes, de femmes et d'enfants va s'ajouter jour après jour sur les registres du fort du Hâ.
A la fin 1944, près de 5.000 internements administratifs sont recensés, mais rares sont les exécutions sommaires.
La paix retrouvée, le fort du Hâ n'en poursuit pas moins sa vocation d'activité carcérale. En juillet 1953, Marie BESNARD est transférée de Poitiers à la prison du Hâ à l'occasion de son second procès. Celle que l'on surnomme la « bonne dame » mais aussi « l'empoisonneuse de Loudun » est acquittée par la cour d'assises de Bordeaux, où son troisième procès a débuté le 20 novembre 1961...
Du fort du Hâ ... à l'Ecole Nationale de la Magistrature
(Photographie : La façade de la prison de Bordeaux. Aujourd’hui, il n’en reste que la « tour des sorcières « (Crédit DR)).